Aucune de nous n’aurait pensé faire un jour un remake de l’une des scènes de film ayant marqué à jamais la mémoire collective, dans Les Oiseaux d’Hitchcock… Pourtant, c’est bien ce qui s’est produit, à plusieurs reprises, durant notre road trip de 16 jours, puisque nous avons littéralement subi des attaques de sternes arctiques en Islande ! En étant tout à fait transparentes, avant de mettre les pieds sur le sol islandais, nous n’avions jamais entendu parler de ces bestioles donc pas d’inquiétude si c’est aussi votre cas, on va tout vous expliquer. Oui, parce qu’on vous le dit, mieux vaut être préparé si vous devez en croiser un jour !
Pour commencer, voyons à quoi ressemblent les sternes, histoire de pouvoir les identifier d’aussi loin que possible. Petites, blanches ou gris clair avec le dessus du crâne noir, un bec et des pattes orange et courts, ainsi qu’un signe distinctif facilement repérable, une queue formant une fourche, voilà le topo. A première vue, rien d’alarmant nous direz-vous ! Le pire, c’est qu’on vous donnerait raison si vous le pensiez et, de notre côté, lors de notre rencontre avec ces vils oiseaux (oui, on ose le terme…), nous ne les avions même pas remarqués avant qu’ils nous tombent dessus, c’est pour dire. Le seul point qui peut alerter sur leur caractère hargneux est leur cri, très aigu, très désagréable et, après réflexion, sans doute utilisé pour faire fuir les intrus. Cependant, lorsque vous entendez leur hurlement, c’est qu’elles vous ont déjà dans le collimateur donc qu’il va falloir très vite changer de direction !
Alors, qu’en est-il de cette première rencontre, justement ? Elle eut lieu dès le lendemain de notre arrivée, c’est-à-dire durant le tout début de notre périple, quelques heures à peine après avoir commencé à explorer l’Islande (allez, on lève un peu le suspens : ensuite, on n’a plus arrêté d’en croiser tout le long du voyage). Ce jour-là, nous avions pris la route en direction de la péninsule de Snæfellsnes (on vous détaille tout ici : Péninsule de Snaefellsnes en Islande : un voyage à part entière), au Nord-Ouest de Reykjavik. Dans l’après-midi, nous atteignons l’un des spots les plus connus du pays, l’église noire de Búðir, qui est située à quelques mètres d’une plage et d’un vaste champ de lave. On a donc tous les trois (Boria, Laure et Tom, son petit frère) voulu profiter un peu du lieu en allant se balader dans les dunes environnantes, recouvertes de végétation et parsemées d’anciens blocs de lave. Au bout d’un moment, après s’être longuement perdus dans ce paysage insolite (pas pour l’Islande mais pour nous, qui commencions à peine à la découvrir), nous avons amorcé le chemin retour, en cherchant à ne pas reprendre le même qu’à l’aller. Soudain, Laure, qui ouvrait la marche et avait une bonne longueur d’avance, bifurque vers la droite et c’est là que Boria et Tom observent un manège étrange, sans pour autant s’imaginer ce qui se produirait par la suite…
Un oiseau s’était approché de Laure, la survolant de façon insistante et, plus elle avançait, plus le vol était rapide. Cette petite chose blanche, alors non identifiée, faisait des allers-retours autour d’elle, en étant de plus en plus vive, de plus en plus proche et, finalement, de plus en plus menaçante. C’est à ce moment-là que Tom a crié : « Laure, reviens ! ». Appel prémonitoire, instinct ou analyse pertinente de la situation, c’était sans doute un peu de tout ça puisqu’après deux ou trois alertes, l’oiseau a foncé en piqué, bec en avant, directement sur Laure. On a tous été surpris, ne comprenant pas ce qui se passait, d’autant plus pour la principale intéressée, qui n’avait même pas remarqué le vol au-dessus de sa tête. L’adrénaline aidant à adopter les bons réflexes, Laure s’est baissée en se protégeant le crâne puis s’est mise à courir tout droit à travers les dunes. Seulement, la sterne ne la lâchait plus ! Elle la poursuivait, en relançant à chaque fois ses attaques en piqué, accompagnées de cris stridents. Guidée par les « viens par ici » et autres « reviens vers nous », Laure a fini par faire demi-tour, capuche vissée sur la tête, bras croisés par dessus en guise de bouclier et ce n’est qu’une fois sortie de la zone férocement gardée par cette saleté d’oiseau de malheur qu’elle a pu être tranquille… Après la frayeur passagère, nous étions tous trois en état de stupeur, nous demandant ce qui avait bien pu passer par la tête de cet oiseau pour qu’il se mettre à attaquer de la sorte. Bien sûr, ça nous a ensuite valu une bonne rigolade lorsqu’en regagnant la voiture, nous nous sommes remémoré la scène ! N’empêche qu’on se demandait toujours ce qu’il s’était passé sur ce bord de plage…
Une petite vingtaine de kilomètres plus loin, on a fait un nouvel arrêt dans le minuscule village d’Arnarstapi qui, après son port miniature, arbore quelques maisons disséminées de part et d’autre de la route principale. En tout et pour tout, du parking jusqu’au monument dédié à Jules Verne (puisque c’est ici que se situerait, selon son ouvrage, le « centre de la terre »), nous avons parcouru 300 mètres. Pourtant, sur une si courte distance et en bordure de route, nous avons dû esquiver une nouvelle attaque de sternes au pas de course, poursuivis par les becs orange et les hurlements aigus ! Pour nous remettre de nos émotions sterniennes, on s’est réfugiés chez Stapinn, où nous avons commandé des chocolats chauds réconfortants. Et puis, on a décidé d’effectuer quelques recherches sur le net pour essayer de comprendre ces oiseaux vicieux (Qui sont-ils ? Pourquoi en ont-ils après nous ?). C’est donc là qu’on a découvert les sternes arctiques…
On s’est finalement bien renseignés sur le sujet et il s’avère que la sterne couve ses œufs dans un trou très peu profond, au sol. Vous avez compris, vous aussi ? En réalité, ce n’est ni plus, ni moins que pour protéger leurs œufs qu’elles s’attaquent à tout ce qui s’en approche d’un peu trop près. Il n’y a pas à dire, la démarche est légitime. Cependant, ça reste quand même franchement désagréable ces attaques impromptues ! On vous garantit que tout le long du voyage, on a appris à affûter notre regard et à repérer les sternes de loin pour bien contourner les zones qu’elles survolaient. Evidemment, ça ne fonctionnait pas à tous les coups et on s’est quand même laissés surprendre à plusieurs reprises… Si vous voulez vous marrer un peu, on vous le dit, Tom a même une fois eu très peur d’être émasculé par un coup de bec (ce n’est pas très fair play mais nous, on était pliées de rire en le voyant revenir à toute berzingue) !
Malgré leur côté sournois, si on cherche à redorer leur blason, il faut se dire que ce sont des oiseaux fidèles puisque les sternes sont unies pour la vie. En plus de ça, le mâle couve au même titre que la femelle (elles sont modernes en fait, ces sternes !). Enfin, elles sont également très bien organisées puisque dans chaque colonie, une sentinelle se voit attribuer la surveillance du territoire et alerte ses congénères pour en cas de danger pour avoir du soutien dans les attaques.
Bon, c’est sûr que, vu comme ça, on ne peut pas leur en vouloir mais, pour autant, on ne les porte pas vraiment dans nos cœurs, ces satanés oiseaux…! Surtout, si vous prévoyez d’aller en Islande au printemps ou en été, soyez vigilants et méfiez-vous de tout oiseau blanc non identifié vous survolant de près ou fonçant droit sur vous ! D’ailleurs, il ne s’agit pas que de l’Islande, loin de là ; les sternes sont des oiseaux migrateurs, que l’on retrouve donc en Arctique l’été et qui, l’hiver, vont se dorer la pilule au Sud. Alors, si vous avez été traumatisés par Les Oiseaux, aiguisez vos regards et renseignez vous sur les habitudes des sternes arctiques, en Islande ou ailleurs !